J'avais des mots hier, qui m'ont
quittés aujourd'hui. Des mots de haine et de colère, de déception
et de trahison, de bassesse et petitesse. Des mots mesquins et
vilains, des mots hargneux et bilieux.
Des mots pour répondre à des
sentiments qui me sont étrangers et que je ne peux garder en moi,
nourrir ou alimenter. Des mots qui me rongeraient, me saliraient, me
détruiraient. Des mots qui me révulsent et me font vomir.
J'avais des mots qui ne sont pas les
miens, mais que je lis, partout. Des mots que d'autres manipulent à
l'envi, corrompent et travestissent. Des mots dont ils se repaissent
et s'assouvissent. Des mots qu'ils croient utiliser pour donner
naissance à des idées. Des mots qu'ils dénaturent et avilissent.
Sous prétexte d'être de la trempe des
écrivains, écriveurs, écrivaillons, ils se targuent de vouloir
faire la norme. Ils sont la pensée, la voie, le chemin.
Ils sont la veulerie et la tromperie,
la mégalomanie. Gargarisme et forfanterie, enluminure et reliure,
dorure d'une réalité terne, fade et sans fioriture, qui trouve son
apogée ici. Espace creux, pour âme en peine de reconnaissance.
Alors surtout n'allez pas leur voler
leur rêve, leur fantasme, leur leurre ! Laissez-les se prélasser
dans leur luxure, Néron des temps modernes, et se noyer dans ce bain
de platitude et de vulgarité, presque auteurs qui s'essayent à
devenir.
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